ÉDITO :  Allons-nous en sortir différents ?

2020 croireDepuis maintenant près de trois semaines que ce confinement nous est imposé, de très nombreux philosophes s’expriment sur ce retrait du monde, totalement imprévisible et inimaginable dans notre univers hyper agité. Et tous de se poser la question : allons-nous en sortir différents ? La philosophe Françoise Dastur, qui vit isolée à la campagne depuis longtemps, pense que c’est toute notre civilisation des loisirs qui est interrogée. Nous voici renvoyés à nous-mêmes, explique-t-elle dans Philosophie Magazine, et à la conscience que nous sommes fondamentalement mortels. Et d’ajouter que cette angoisse de la mort n’est nullement incompatible avec la joie d’exister. Quelle belle formule. Et qui nous renvoie à ce que nous allons vivre cette semaine sainte où peur, mort et joie vont se retrouver intimement liées. Peur de Jésus devant la mort qui l'attend, peur des disciples devant la haine et la violence, mort infâme et résurrection glorieuse. Cette joie d'exister dont parle Françoise Dastur puise sa force dans cette réalité : mort et vie vont de pair. Ce confinement serait donc un moyen de retrouver le sens profond de la vie. D'être joyeux, en dépit des nuages qui s'amoncellent. Le frère Laurent de la Résurrection, un carme du XVIIe siècle, a vécu, du fait d'un grave ulcère à la jambe, de longues années confiné. Et quand on lui demandait ce qu'il faisait, il répondait : "Je bénis Dieu, je l'adore, et je l'aime de tout mon cœur." Si ce temps de confinement nous apprend à faire la même chose, alors oui, nous sortirons différents ! Bonne semaine sainte à tous.

Sophie de Villeneuve, rédactrice en chef de «Croire»